Les stigmates d'Ellis Island
Pour continuer dans la lignée des MZA, une rubrique spéciale a consacrer a limmigration américaine pour les pauvres petits étrangers que nous sommes.
Pour ceux et celles qui nauraient pas eu la chance de retraverser les frontiers du Pays de la Liberté (ouioui, avec le grand L et tout et tout), sachez que maintenant cest un tour de force quil faut réaliser pour pouvoir enfin embrasser le goudron surchauffé hors de JFK en arrivant dun vol international.
Pour ne citer quun exemple, on arrive de France après 7 heures de joyeux bonheur, avec un peu de chance, on sextraie du siege de lavion avec un chausse-pied, ayant eu lextreme plaisir davoir pour voisins deux américains en surpoids (véridique, cette fois la, on a du changer de place un pauvre asphyxié, et on ne voyait meme plus le siege une fois que les deux autres setaient réinstallés
). On sextraie, donc, on baille, on escalade siège, convertures, passagers
pour récuperer sa veste froissée, phénomene résultant de la gentillesse des sus-cites indigènes ayant entreposé a peu pres 39 kilos de sacs dessus évidemment on fait attention car louverture des coffres a baggages peut entrainer la chute dobjets et on ne veut pas un procès.
Bref. On fait la queue comme tout le monde puis on tente un sprint comme tout le monde pour se rendre compte comme tout le monde quil va falloir faire la queue parce qua limmigration, seules deux guérites sont ouvertes, et devant nous il y a un avion dAir Bangladesh qui vient de débarquer, et visiblement les occupants ne maitrisent pas langlais.
Apres une bonne heure a advancer en tremblant de fatigue et peur et si on avait mal rempli le papier ? Et si on était renvoyé derriere tous ces gens quon a poussés pour gagner une place dans la lutte pour gagner une minute ?? Et si on ne comprenait pas ce que le Mossieur baragouine ?? Nous avons en tout cas signé : on ne peut plus tuer le president ni envisager un acte terroriste sur ce territoire, on sest engagé a respecter laccord.
On est enfin admis a voir de près la tete du MZA. Le douanier new yorkais a lair desabusé des gens qui ont vu defiler devant eux le monde entier, nantis pressés, touristes ravis ou paumés. Il leve un sourcil blasé, on tent notre passeport et les trente documents adjacents. Il met un tampon sur toutes les pages, contresigne, nous recherche dans son ordinateur au cas ou en 1984 on aurait negligé de payer la note dhotel ou bien il resterait des impayés des impots de 1975 appartenant a une tante eloignée installée dans le coin et depuis decedée (mais ca lordinateur ne le dit pas). Finalement il ne trouve rien et on soupire de soulagement. On navait rien de special a se repprocher mais on a limpression quil allait deviner, que, oui on admet, cest nous qui avions cassé la vitre du garage en 1992 mais on a fait porter le chapeau au petit frère. On sapprete a partir mais il reste encore deux etapes. Au cas ou on se laisse aller durant notre sejour a casser une vitre de nos petites mains delicates, on prend nos empreintes digitales. Index gauche et index droit. Gloups. Ensuite on nous prend en photo. Regloups. Big Brother is definitivement watching all of us, les enfants. Apres exactement 12 minutes et 38 secondes, on a le droit davancer un peu plus loin et dattendre nos bagages. Cest un fait, si vous etes pressé, votre valise arrive toujours en dernier. Toujours. Votre valise arrive donc en dernier. Les douanes ont laisse ouvert un guichet, ou tous les passagers de votre vol se sont deja massés, vous esquivez les mouvements de bagages et vous faites la queue. Cest long, mais vu lardeur du MZA, vous devriez survivre : il se contente de collecter la ptite feuille bleue et blanche. Non vous navez pas mangé de la terre contaminée dans les dernieres 48 heures et vous navez pas goulument embrassé de lama. Et si cétait le cas, eh bien faites comme si ce nétait pas le cas. Vous pouvez donc passer. Les portes automatiques souvrent sur votre passage
Vous etes aux Etats-Unis. On ne passe plus par Ellis Island mais qua t-on gagné ? On a informatisé le systeme et on ne vous regarde plus les dents. On part du principe que vous savez lire. On vous scanne, vous, vos poches sous les yeux et vos cheveux en bataille, vos petites mains.
Mais ce nest pas grave. Vous etes aux Etats-Unis. Le Pays de la Liberté. Ce vieux reve de gosse, voir New York, se réalise. Pour de vrai. Vous allez pouvoir enfin embrasser le goudron surchauffé hors de JFK.
Note. Je nai, envers le Bangladesh, quune bienveillante neutralite et nai voulu froisser personne en prenant ce charmant pays en exemple